Le cancer de la thyroïde

Introduction
Le cancer de la thyroïde n’est pas très fréquent, mais il l’est tout de même assez pour qu’on croie important d’informer les patients de sa survenue possible, particulièrement chez ceux qui présentent un nodule (enflure localisée) à la glande thyroïde (pour de plus amples renseignements, lire le Guide santé no 4 sur les nodules thyroïdiens). On a estimé que 4500 nouveaux cas de cancer de la thyroïde ont été diagnostiqués au Canada en 2009. L’apparition de nodules thyroïdiens est plus courante chez la femme que chez l’homme, mais les hommes courent plus de risque qu’ils soient cancéreux.

Les types de cancer de la thyroïde
Il existe différents types de cancer de la thyroïde, mais le plus fréquent est le carcinome différencié de la thyroïde (formes papillaire, vésiculaire [également appelée folliculaire] ou mixte), qui est diagnostiqué dans 80 % des cas. Chez les patients pour qui une anamnèse complète a été obtenue, on constate que de 5 à 10 % des patients qui en sont atteints présentent des antécédents familiaux. Le carcinome anaplasique est un type rare de cancer dont le pronostic est peu favorable. Parfois, des patients présentent un lymphome de la glande thyroïde ou des métastases d’autres types de cancers.

Le carcinome médullaire ne prend pas naissance dans les cellules folliculaires qui produisent les hormones thyroïdiennes, mais bien des cellules C, qui se trouvent elles aussi dans la thyroïde. D’autres glandes endocrines telles que les glandes surrénales et parathyroïdes peuvent jouer un rôle dans l’apparition de ce cancer chez environ 25 % des patients atteints, chez qui on décèle des troubles de la motilité intestinale ainsi que des caractéristiques physiques particulières (bras longs, neurinomes – petites bosses – touchant les lèvres et la langue). Il s’agit d’une maladie héréditaire, désignée sous le nom « néoplasie endocrinienne multiple » dont on connait le gène responsable. On recommande actuellement que tous les patients qui présentent un carcinome médullaire de la glande thyroïde fassent l’objet d’une consultation en génétique ou d’un dépistage des maladies héréditaires, tous deux offerts dans des centres spécialisés un peu partout au pays. Les patients atteints de carcinome médullaire doivent inciter les membres de leur famille à subir un dépistage des maladies héréditaires, qui peut prédire l’apparition future de ces maladies. Ce type de dépistage est plus sensible que les épreuves de laboratoire et les examens classiques. Si une personne présente la mutation génétique responsable de la néoplasie endocrinienne multiple et du carcinome médullaire de la thyroïde, il y a 1 chance sur 2 qu’elle la transmette à ses enfants.

L’exposition à des radiations
Il a été démontré que l’exposition du cou et de la tête à des radiations dans l’enfance ou l’adolescence ou à l’âge adulte est un facteur contributif important de l’apparition du carcinome différencié de la thyroïde. Il y a plusieurs années, on administrait des traitements aux rayons x contre l’acné, des troubles cutanés touchant le visage, la tuberculose touchant le cou, des maladies fongiques du cuir chevelu, des tumeurs touchant les vaisseaux sanguins du visage, une hypertrophie du thymus, l’amygdalite, les maux de gorge, la toux chronique et même en présence d’une pilosité faciale excessive. Aujourd’hui, on n’administre plus ce type de traitement dans ces cas, car on a découvert que la glande thyroïde est particulièrement sensible aux effets de l’irradiation, qui entraîne l’apparition de tumeurs thyroïdienne dont 30 % risquent d’être cancéreuses. De plus, les patients qui doivent recevoir une radiothérapie contre certains types de cancer touchant les régions du cou ou de la tête ont un risque accru de nodules thyroïdiens et de cancer de la thyroïde. Si vous avez reçu un tel traitement, consultez votre médecin pour vous assurer que votre glande thyroïde fonctionne normalement et que vous ne présentez aucun nodule.

Le traitement
Contrairement à d’autres cancers, le carcinome thyroïdien différencié peut presque toujours être guéri. On utilise l’échographie pour confirmer la présence de nodules. Cependant, la biopsie par aspiration à l’aiguille fine est le MEILLEUR examen diagnostique permettant d’exclure les nodules qui sont bénins et de cerner ceux qui doivent être enlevés chirurgicalement en raison d’une tumeur maligne franche ou soupçonnée.

Le traitement initial le plus efficace contre le cancer de la thyroïde est la chirurgie (pour plus de renseignements, consulter le Guide santé no 11 sur le traitement chirurgical de la maladie thyroïdienne). En raison du pronostic favorable associé à la plupart des cancers de la thyroïde, certains chirurgiens estiment que l’ablation d’une portion de la glande suffit. Toutefois, de plus en plus de données sur le suivi à long terme portent à croire qu’il vaut la peine que la plus grande partie de la glande qui puisse être retirée sans danger le soit. Cette approche plus énergique prévient les récidives et optimise les interventions non chirurgicales subséquentes telles que le traitement par l’iode radioactif. Bien qu’une thyroïdectomie totale fasse légèrement augmenter le risque de carence en calcium en raison d’une ablation accidentelle des glandes parathyroïdes situées tout près, ce risque est réduit au minimum lorsque l’intervention est réalisée par un chirurgien d’expérience. Il en va de même pour la possibilité d’une lésion aux cordes vocales.

Le cancer se propage de la glande thyroïde aux nœuds lymphatiques du cou chez près de 30 % des patients. Lorsque cela se produit, les nœuds lymphatiques doivent être enlevés lors d’une intervention chirurgicale appelée « curage ganglionnaire cervical ». L’ampleur de l’ablation dépend en partie du degré d’atteinte apparente des nœuds lymphatiques par le cancer. Habituellement, l’intervention peut être réalisée à partir d’incisions relativement esthétiques. Il arrive que l’incision doive être allongée. Mise à part une certaine enflure temporaire de la face, l’ablation des nœuds lymphatiques n’entraîne AUCUNE carence biologique et AUCUN dysfonctionnement grave.

Traitement par l’iode radioactif
Selon l’examen réalisé au moment de l’intervention chirurgicale, l’amorce d’un traitement par l’iode radioactif à la suite de l’opération peut être envisagée. L’iode radioactif est habituellement administré sous forme de gélule ou de liquide de 4 à 6 semaines après la réalisation de la chirurgie indiquée. Pour que l’iode soit efficace, le traitement de remplacement des hormones thyroïdiennes (en comprimés) doit être arrêté. Malheureusement, le patient doit subir les conséquences de l’hypofonctionnement de la thyroïde et pourrait ressentir de la fatigue, des crampes musculaires, des gonflements et de la constipation. Toutefois, la certitude de l’absolue nécessité du traitement par l’iode radioactif et le fait de savoir que le traitement de remplacement sera recommencé par la suite aident le patient à vivre avec les conséquences. Santé Canada a approuvé récemment l’utilisation de la TSH recombinante (Thyrogen®) pour le traitement en vue de l’ablation du tissu thyroïdien résiduel. Ainsi, il est maintenant possible d’éviter, chez la majorité des patients, le retrait du traitement de remplacement des hormones thyroïdiennes ainsi que les symptômes incommodants d’hypothyroïdie qui s’ensuivent.

Le traitement par l’iode radioactif est simple, mais il peut nécessiter une hospitalisation de quelques jours en isolement, selon la dose administrée et les établissements où le traitement est prodigué. Le traitement n’entraîne habituellement aucun effet indésirable d’importance, sauf un inconfort temporaire au cou, une baisse de la production de salive et une modification du goût. Parfois, en présence de carcinome résiduel ou récurrent, le traitement est répété. Des données récentes indiquent une légère augmentation des cancers secondaires chez les patients ayant reçu des doses cumulatives élevées d’iode radioactif. La prise en charge par une équipe multidisciplinaire d’expérience peut faciliter le choix du traitement qui convient à chacun des patients atteints de cancer de la thyroïde.

La radiothérapie externe
Le recours à l’irradiation par des rayons X de source externe au moyen de faisceaux de cobalt est rarement nécessaire, mais pourrait être recommandé lorsque le cancer ne peut être complètement enlevé et qu’on veut maîtriser localement l’évolution de la maladie. L’irradiation externe cible la région du cou et est administrée à faibles doses sur 4 à 6 semaines. Elle cause parfois une réaction cutanée attribuable à la formation de petits vaisseaux sanguins et à un noircissement des pigments cutanés.

La chimiothérapie
La chimiothérapie classique n’est pas très efficace contre le cancer de la thyroïde; elle est donc rarement utilisée. Des résultats encourageants ont été obtenus au cours des dernières années avec de nouvelles molécules, les inhibiteurs de la tyrosine kinase et les facteurs antiangiogéniques. Ces médicaments nuisent à la formation des vaisseaux sanguins et interfèrent avec diverses enzymes et protéines responsables de la croissance et de la division des cellules cancéreuses. Ils ont également l’avantage d’entraîner relativement peu d’effets indésirables, de faible intensité.

Suivi après le traitement
Après la chirurgie et le traitement par l’iode radioactif, le médecin prescrit un traitement par des hormones thyroïdiennes sous forme de comprimés. Ces hormones n’assurent pas seulement un métabolisme adéquat, mais elles inhibent également la libération de la thyréostimuline par l’hypophyse, qui peut stimuler la croissance des cancers de la thyroïde. Contrairement aux patients dont la thyroïde est paresseuse, les patients atteints d’un cancer de la thyroïde reçoivent des doses suffisantes pour maintenir le taux sérique de TSH sous les valeurs normales de manière à prévenir la croissance tumorale. La thyroxine (Eltroxin®, Synthroid®) est donc administrée à des doses supérieures à celles utilisées contre l’hypothyroïdie. La dose moyenne administrée chez les patients cancéreux est d’environ 2 à 2,5 µg/kg de poids corporel. On surveille la fonction thyroïdienne périodiquement au moyen d’un examen clinique et d’épreuves de laboratoires. Les patients ayant présenté un cancer de la thyroïde sont examinés à intervalles de 6 à 12 mois afin que tout signe de récidive soit décelé. La fréquence des consultations de suivi diminue au fil du temps, mais le patient doit être suivi à long terme.

Le dosage de la thyroglobuline sérique (le précurseur des hormones thyroïdiennes) est la meilleure épreuve à réaliser pour confirmer les récidives, particulièrement s’il est associé à une échographie du cou. La sensibilité du dosage de la thyroglobuline peut être augmentée par l’administration préalable de TSH recombinante (Thyrogen®). D’autres techniques d’imagerie telles que la tomodensitométrie thoracique ou la tomographie par émission de positons peuvent également être utilisées pour déceler la maladie résiduelle.

Résumé
Les taux de survie à 5 et à 10 ans des patients atteints des formes papillaire et mixte (papillaire-vésiculaire) de cancer de la thyroïde, les plus courantes, DÉPASSENT 95 %. Le risque de récidive est plus élevé chez les patients de plus de 45 ans ou chez qui le cancer s’est propagé à l’extérieur de la glande au moment du diagnostic initial. Cependant, le dépistage et le traitement précoces permettent souvent d’éviter de telles conséquences.

Les patients ont souvent des questions sur le cancer de la thyroïde, dont en voici quelques-unes. Si vous vous posez d’autres questions, n’hésitez pas à communiquer avec la Fondation canadienne de la Thyroïde. Un médecin consultant pourrait y répondre dans le Thyrobulletin.

Foire aux questions

  1. Q : Le tabagisme et la consommation d’alcool causent-ils le cancer de la thyroïde?
    R : Le tabagisme et la consommation d’alcool ne sont pas liés au cancer de la thyroïde. Bien entendu, il vaut mieux éviter de garder de telles habitudes pour demeurer en bonne santé, mais ni l’une ni l’autre ne cause ni n’aggrave les tumeurs touchant la glande thyroïde.
  2. Q : Le cancer de la thyroïde peut-il se propager dans l’organisme entier? Comment savoir s’il s’est propagé?
    R : Le cancer de la thyroïde se propage rarement. La plupart des cas sont guéris par la première intervention chirurgicale. Bien que le cancer peut se disséminer dans les nœuds lymphatiques du cou, l’ablation de ceux-ci est habituellement possible et permet de guérir la maladie. Rarement, des cancers se propagent aux poumons et aux os; ils peuvent être décelés par radiographie et imagerie diagnostique. Dans de tels cas, un traitement par l’iode radioactif, une radiothérapie et parfois une ablation chirurgicale sont nécessaires. En présence de types agressifs de cancer, qui sont toutefois rares, une chimiothérapie et une radiothérapie pourraient être recommandées.
  3. Q : Même avec tous les traitements offerts, quels sont les risques que je meure du cancer de la thyroïde?
    R : Mis à part le cancer de la peau, les types de cancer de la thyroïde les plus courants sont ceux ayant le meilleur pronostic à long terme lorsqu’ils sont traités rapidement comparativement à tous les autres types de cancer. Le traitement guérit complètement la majorité des patients.
  4. Q : Comment décèle-t-on le cancer de la thyroïde?
    R : Souvent, une bosse dans le cou est le signe qui permet de déceler le cancer de la thyroïde. La moitié des cas sont décelés par le médecin lors d’un examen physique effectué en raison d’un autre problème de santé non relié. Le cancer de la thyroïde ne provoque aucune douleur et rarement des symptômes. Pratiquement tous les patients atteints montrent un métabolisme et des épreuves de fonction thyroïdienne normaux.
  5. Q : Quels sont les effets indésirables du traitement? Vais-je perdre la voix ou avoir une grosse cicatrice?
    R : Le traitement habituel du cancer de la thyroïde consiste en l’ablation d’au moins une portion de la glande par une petite incision dans le cou. Il arrive rarement que la chirurgie entraîne des troubles de la voix ou un déséquilibre des taux de calcium. L’ablation des nœuds lymphatiques peut requérir une incision plus longue, mais elle est habituellement pratiquée dans le bas du cou et demeure esthétique. Dans certains cas où des troubles de la voix persistent après la chirurgie, une consultation avec un orthophoniste et un traitement améliorent souvent la situation.
  6. Q : Que puis-je faire pour m’assurer d’obtenir les meilleurs résultats de mon traitement anticancéreux?
    R : Il est important que les nodules situés dans la thyroïde ou dans la région du cou soient bien diagnostiqués, dès les premiers stades de la maladie. Vous devez consulter votre médecin de famille, qui pourra évaluer la situation et vous dirigera probablement vers le spécialiste qui pourra confirmer le diagnostic et administrer le traitement adéquat. Le dépistage et le traitement précoces aboutissent presque toujours en l’éradication complète du cancer et à la guérison!
  7. Q : Devrai-je cesser de prendre mes comprimés d’hormones thyroïdiennes lorsque le traitement par l’iode radioactif sera entrepris?
    R : Oui, pendant 3 à 6 semaines. L’iode radioactif « n’entrera » dans la thyroïde que si les taux de TSH sont élevés, ce qui se produira lorsque vous arrêterez le traitement par les hormones thyroïdiennes. Malheureusement, il est probable que vous ressentiez les effets d’une thyroïde paresseuse pendant ce temps, notamment une fatigue, des crampes musculaires, un gonflement et de la constipation. Chez certains patients qu’on juge exposés à un faible risque et qui reçoivent de l’iode radioactif comme traitement en vue de l’ablation du tissu thyroïdien résiduel, on peut administrer de la TSH humaine recombinante (Thyrogen®) au lieu d’interrompre le traitement par les hormones thyroïdiennes.

Mise à jour en octobre 2009 par Hortensia Mircescu, M.D., FRCPC, Division d’endocrinologie, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, professeure adjointe de clinique, Faculté de médecine, Université de Montréal, à partir du texte original rédigé par Irving B. Rosen, M.D., FRCS(C), FACS, professeur de chirurgie, Université de Toronto, Service de chirurgie, Hôpital Mount Sinai; consultant en chirurgie, Hôpital Princess Margaret, Ontario Cancer Institute, et Paul G. Walfish C.M., M.D., FRCP(C), FACP, FRSM, professeur de médecine, de pédiatrie et d’otorhinolaryngologie, Université de Toronto; premier consultant, programme d’endocrinologie, de métabolisme et d’oncologie de la tête et du cou, Hôpital Mount Sinai.

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