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GLEMENTS THYROÏDIENS POST-PARTUM ET AUTO-IMMUNITÉ
Paul G. Walfish, M.D., F.R.C.P. (C), F.A.C.P.
Professeur de médecine et de pédiatrie, Faculté de médecine, Université de Toronto
Directeur, Laboratoire de recherche sur la thyroïde, Institut de recherche, Hôpital Mount Sinai
Directeur, Division d’endocrinologie et de métabolisme, Hôpital Mount Sinai, Toronto
Au cours de la dernière décennie, on est devenu de plus en plus conscient que plusieurs dérèglements de la fonction thyroïdienne susceptibles de survenir chez la mère après l’accouchement pourraient être plus fréquents qu’on ne l’avait d’abord estimé. De plus, les patientes ayant des antécédents de problèmes thyroïdiens avant la grossesse pourraient avoir des rechutes. En particulier, on a identifié un type d’hyperthyroïdie post-partum de type destructeur (inflammatoire) et transitoire qui peut être indolore (c.-à-d. asymptomatique). Des enquêtes préliminaires sur la prévalence de ce dérèglement post-partum laissent croire qu’il est étonnamment courant, puisqu’il est maintes fois plus répandu que l’hyperthyroïdie post-partum de Graves. On doit accorder encore plus d’importance à l’évaluation de la fonction thyroïdienne chez les mères qui présentent des problèmes cliniques après l’accouchement étant donné que les signes et symptômes de l’hyperthyroïdie post-partum peuvent souvent être confondus avec d’autres maladies non-thyroïdiennes susceptibles de survenir après un accouchement, comme la «déprime» ou dépression post-partum et le «syndrome de la mère fatiguée».
Pour permettre la survie du corps étranger qu’est le foetus et éviter son rejet, une grossesse réussie exige aussi des modifications dans le système immunitaire de la mère. Par conséquent, la réponse immunitaire maternelle devient de plus en plus supprimée durant la grossesse par une variété de mécanismes qui peuvent également influencer le cours clinique d’un certain nombre de maladies d’étiologie auto-immune. Ce phénomène entraîne une diminution de l’activité de ces maladies durant la grossesse, suivie d’une récidive post-partum lorsque ces mécanismes disparaissent. Ainsi, une exacerbation post-partum peut survenir non seulement dans le cas de maladies auto-immunes non thyroïdiennes telles que la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux aigu disséminé, mais aussi pour des maladies thyroïdiennes auto-immunes telles que la thyroïdite chronique de Hashimoto et la maladie de Graves-Basedow.
L’hypothyroïdie post-partum transitoire, qui survient de trois à huit mois après l’accouchement, a d’abord été observée par le Dr Amino et ses collègues chez des Japonaises dont la majorité montraient des signes de thyroïdite auto-immune. Au même moment, notre clinique de Toronto documentait une phase post-partum plus précoce d’hyperthyroïdie transitoire survenant de deux à quatre mois après l’accouchement et associée à un taux faible de la captation d’iode radioactif à 24 heures ; cette phase d’hyperthyroïdie était suivie d’hypothyroïdie transitoire ou persistante, de gravité variable. Les caractéristiques cliniques et biologiques de la thyroïdite post-partum que nous avons documentées étaient similaires à celles du syndrome de thyroïdite silencieuse observé plusieurs années auparavant chez des patientes en post-partum. Chez celles-ci, les résultats d’une biopsie à l’aiguille et la présence de plus en plus certaine d’anticorps antithyroïdiens laissaient supposer qu’il s’agissait d’une variante de la thyroïdite de Hashimoto. Un suivi à long terme des patientes montrant cette maladie post-partum, effectué de un à dix ans plus tard, a indiqué que les anomalies thyroïdiennes persistaient sous forme de goitre, thyroïdite lymphocytaire (révélée par biopsie), TSH basale élevée, réponse accrue de la TSH suite à une stimulation, de même que des anticorps antithyroïdiens positifs chez environ 30 % des patientes, le tout venant appuyer davantage l’hypothèse d’une cause auto-immune sous-jacente plutôt que celle d’une étiologie infectieuse transitoire. Par la suite, d’autres chercheurs au Canada, en Angleterre, aux États-Unis, au Japon, en Europe et en Australie ont documenté l’existence du syndrome de thyroïdite post-partum.
Notre expérience, à Toronto, a indiqué qu’environ 50 % des cas de thyroïdite indolore chez les patientes en âge d’avoir des enfants pouvaient être associés à une grossesse récente, et faisaient vraisemblablement partie du syndrome de thyroïdite post-partum indolore. Donc, lorsqu’une femme présente une hypothyroïdie primaire apparente ou subclinique dans les quatre à huit mois après l’accouchement, avec un petit goitre et des titres d’anticorps antimicrosomes positifs, il pourrait s’agir d’un état qui a évolué d’une thyroïdite silencieuse à une hypothyroïdie passagère ou persistante. De plus, on a observé que de 10 % à 25 % des femmes ayant un épisode de thyroïdite silencieuse ou de thyrotoxicose transitoire, associé ou non à une grossesse, risquaient d’avoir un autre accès de ce syndrome lors d’une grossesse subséquente. Lorsque surviennent des récidives post-partum, elles tendent à être identiques quant au type et au moment de leur apparition.
Bien que les mécanismes pathogènes spécifiques en cause dans le syndrome de thyroïdite inflammatoire indolore post-partum, accompagné d’hyperthyroïdie et d’hypothyroïdie transitoires, n’ont pas encore été définitivement élucidés et peuvent avoir des causes infectieuses, biologiques et auto-immunes inconnues, la propension qu’a le syndrome de thyroïdite post-partum à survenir tôt dans le post-partum alliée au fait que bon nombre d’études préliminaires de nos résultats de laboratoire, combinés aux résultats de typage HLA d’antigènes leucocytes humains et d’études utilisant une nouvelle méthodologie pour évaluer les sous-groupes de lymphocytes T périphériques activés favorise la conclusion que ce syndrome est nettement différent de la maladie de Graves. Ce serait plutôt une variante de la thyroïdite goitreuse auto-immune de Hashimoto, dans une forme subaiguë.
Prévalence des dérèglements post-partum de la thyroïde
D’après les évaluations d’enquêtes menées au Japon, aux États-Unis, en Suède et au Canada sur la prévalence de dérèglements thyroïdiens après l’accouchement, il semble que le syndrome de thyroïdite indolore compte pour au-delà de 80 % des cas d’hyperthyroïdie post-partum, comparativement à de 10 % à 15 % pour la maladie de Graves, les 3 % à 5 % restants résultant de goitres nodulaires toxiques, de thyroïdite subaiguë silencieuse typique et autres causes variées. L’hypothyroïdie post-partum résulte le plus souvent du syndrome de thyroïdite silencieuse qui a évolué à partir d’une hyperthyroïdie destructive antérieure, ou encore représente un réactivation d’une thyroïdite auto-immune de type goitreux ou atrophique. Bien que l’incidence d’hyperthyroïdie lors de la grossesse ait été estimée à 0,05 % dans le cas de naissances vivantes, selon plusieurs études la prévalence des accès d’hyperthyroïdie post-partum varie de 1 % à 4 %. Cependant, la vaste majorité des cas sont transitoires et disparaissent spontanément entre le 1er et de 3e mois du post-partum, avec une phase subséquente d’hypothyroïdie plus ou moins grave entre le 4e et le 8e mois après l’accouchement.
À Osaka, au Japon, une enquête sur les mères, portant sur la période entre le 3e et le 8e mois après leur accouchement, a révélé dans l’ensemble une incidence de dérèglements thyroïdiens de 5,5 % parmi 507 d’entre elles, dont 70 % présentaient une hyperthyroïdie transitoire et seulement quelques cas d’hypothyroïdie persistante. À Upsala, en Suède, la prévalence du dérèglement thyroïdien biochimique post-partum a été de 6,5 % au sein d’un groupe de 460 femmes, soit une prévalence de 4,2 % parmi les 644 femmes comprises dans l’étude. À Toronto, nos d’études menées depuis plusieurs années ont démontré la prévalence du dérèglement de la thyroïde et de l’auto-immunité dans les tests effectués chez les mères entre 6 et 24 semaines après l’accouchement, soit une incidence de 7,1 % d’anomalies, parmi lesquelles on a observé que 18 des 27 mères (67 %) montraient des signes attestés d’hyperthyroïdie ; 89 % étaient atteintes d’hyperthyroïdie transitoire et seulement 11 % d’hyperthyroïdie persistante (de Graves). Après l’accouchement, 80 % des patientes diagnostiquées comme ayant une hyperthyroïdie transitoire post-partum présentaient des titres positifs d’anticorps antimicrosomes thyroïdiens, avec une augmentation marquée des titres entre le 4e et le 6e mois du post-partum, comparativement aux valeurs observées dans les jours suivant l’accouchement.
Tableau clinique et résultats de laboratoire
Les symptômes les plus courants d’hyperthyroïdie post-partum survenant de 6 à 12 semaines après l’accouchement étaient les suivants : fatigue, transpiration accrue, palpitations et, peut-être aussi, nervosité et perte de poids ; par la suite, soit de 12 à 24 semaines dans le post-partum, les symptômes les plus courants comprenaient : fatigue, gain de poids, léthargie et dépression dans la phase hypothyroïdienne. Les facteurs de risque pour développer une hypothyroïdie post-partum sont les suivants : épisode antérieur (relié ou non à la grossesse), antécédents familiaux d’affection thyroïdienne auto-immune, autres maladies auto-immunes chez des parents du premier degré, maladie de Graves courante diagnostiquée dans le passé, et maladie thyroïdienne avec anticorps positifs. Afin de déterminer le plus correctement possible le cours exact de l’hyperthyroïdie post-partum, la patiente doit subir un test de captation de l’iode radio-actif dans la phase hyperthyroïdienne, en cessant d’allaiter pendant plusieurs jours. On observe une valeur anormalement basse de fixation dans le cas du syndrome de thyroïdite silencieuse, comparativement à une valeur élevée lorsque la maladie de Graves est la cause de l’hyperthyroïdie. En l’absence d’un tel test, seules des évaluations cliniques et de laboratoire sériées, documentant une résolution spontanée de l’hyperthyroïdie post-partum suivie d’une phase d’hypothyroïdie, permettent de diagnostiquer avec certitude le syndrome de thyroïdite post-partum et de le différencier de l’hyperthyroïdie transitoire ou persistante de Graves. L’hypothyroïdie post-partum ne peut être transitoire que si la résolution spontanée d’une phase précédente d’hyperthyroïdie a été documentée, mais il peut s’agir aussi d’un cas transitoire ou persistant de thyroïdite auto-immune typique de Hashimoto qui n’a pas été précédé d’une phase hyperthyroïdienne où la glande thyroïde atteint le double de sa taille normale et où le taux d’anticorps antithyroïdiens sériques devient très élevé.
Traitement des dérèglements thyroïdiens post-partum
Dans la phase thyréotoxique transitoire, le syndrome de la thyroïdite silencieuse ne requiert aucun traitement lorsqu’il est relativement bénin et asymptomatique. Toutefois, en présence de symptômes hyperthyroïdiens, seul un traitement conservateur aux inhibiteurs ß adrénergiques est indiqué, pour réduire le rythme cardiaque, avec des sédatifs ou tranquillisants en cas de nervosité. Un suivi de près est essentiel pour détecter et traiter toute phase subséquente d’hypothyroïdie, qui peut être symptomatique mais rarement permanente. Les patientes dont on soupçonne qu’elle ont déjà eu des épisodes d’hyperthyroïdie ou d’hypothyroïdie dus à une thyroïdite ou maladie de Graves, reliés ou non à une grossesse, doivent faire l’objet d’un suivi lors de grossesses subséquentes, et particulièrement à l’accouchement, en raison de leur risque accru d’une récidive. Elles pourraient bénéficier d’un diagnostic précoce et du traitement approprié.
Les patientes présentant une maladie de Graves sous-jacente peuvent également connaître une rémission de la maladie durant la grossesse et une rechute dans le post-partum, qu’elles aient ou non des antécédents de maladie de Graves. Selon les manifestations cliniques et les préférences de la patiente ou du médecin, la maladie de Graves post-partum peut être traitée suivant l’un des divers traitements thyroïdiens conventionnels faisant appel soit aux médicaments, soit à la chirurgie. Dans la plupart des centres nord-américains, lorsqu’aucune grossesse future n’est prévue, le traitement à l’iode radioactif semble être le traitement de choix ; il sera suivi par une observation à long terme pour détecter toute hypothyroïdie subséquente et aussi en raison de la nécessité d’une hormonothérapie thyroïdienne la vie durant.
Sommaire
L’importance de reconnaître l’incidence relativement élevée des dérèglements de la fonction thyroïdienne dans le post-partum a été examinée. Il existe au Japon, en Europe et en Amérique du Nord une étonnante prévalence des affections thyroïdiennes auto-immunes post-partum, qui surviennent chez environ 4 % à 7 % des accouchées, dont la majorité présentent un syndrome de thyroïdite silencieuse. La fréquence de ces syndromes reflète vraisemblablement des changements dans la régulation du système immunitaire péripartum. Par conséquent, les mères en post-partum qui se plaignent de problèmes attribués antérieurement à des maladies non-thyroïdiennes doivent faire l’objet d’une évaluation attentive quant à la possibilité de dérèglement de la fonction thyroïdienne et d’autres maladies anto-immunes, particulièrement en présence d’antécédents connus de maladie thyroïdienne auto-immune ou de prédisposition familiale. Ces patientes doivent également être suivies en raison de la possibilité de récidives lors de grossesses subséquentes.
Références
Amino, N., Miyai, K., Onishi, T., et al. Transient hypothyroidism after delivery in autoimmune thyroiditis. J. Clin. Endocrinology & Metabolism 1976, 42, 296-301. Amino, N., Mori, H., Iwatani, Y., et al. High prevalence of transient post-partum thyrotoxicosis and hypothyroidism. N. Engl. J. Med. 1982, 306, 849-52. Farid, N.R., Hawe, B.S., Walfish, P.G.Increased frequency of HLA-DR3 and 5 in the syndromes of painless thyroiditis with transient thyrotoxicosis: Evidence for an autoimmune etiology. Clin. Endocrinology (Oxf.) 1983, 19, 699-704. Ginsburg, J., Walfish, P.G. Post-partum transient thyrotoxicosis with painless thyroiditis. Lancet, 1977, 1, 1125-8. Walfish, P.G., Chan, J.Y.C. Post-partum hyperthyroidism. Clinics in Endocrinology and Metabolism, 1985, 14, 417-47.
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