La thyroïde, le psychisme et les émotions/Les affections thyroïdiennes et les troubles mentaux

par A.G. Awad, M.D., BCH, PhD, FRCP (C)
Professeur adjoint, Faculté de psychiatrie, Université de Toronto,
et directeur, Unité de médecine psychobiologique, Département de psychiatrie Toronto Western Hospital

La thyroïde, le psychisme et les émotions

Sommaire d’un exposé présenté au Chapitre de la région Kitchener-Waterloo, le 27 octobre 1984

Les troubles psychiques qui accompagnent l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie, les deux affections thyroïdiennes les plus courantes, imitent les maladies mentales. Les personnes dont la glande thyroïde est hyperactive peuvent montrer les signes suivants : anxiété et tension marquées, labilité émotionnelle, impatience et irritabilité, distractivité, sensibilité exagérée au bruit, ainsi qu’une dépression fluctuante accompagnée de tristesse et de problèmes de sommeil et d’appétit. Dans les cas extrêmes, elles peuvent paraître schizophrènes, perdre le sens de la réalité, délirer ou avoir des hallucinations. En revanche, une fonction thyroïdienne déficiente peut entraîner progressivement une perte d’intérêt et d’initiative, un ralentissement du processus mental, une mémoire défaillante pour les événements récents, une perte d’éclat et de vivacité de la personnalité, une détérioration intellectuelle générale, de la dépression à tendance paranoïaque et, éventuellement, la démence et des séquelles permanentes sur le cerveau si la maladie n’est pas traitée. Dans les cas de chacune de ces conditions, certaines personnes ont été mal diagnostiquées, hospitalisées pendant des mois, et traitées sans succès pour une psychose.

La détection du problème thyroïdien se complique du fait que tout le monde ressent jusqu’à un certain point de l’anxiété et de la tension, que beaucoup de symptômes thyroïdiens ressemblent à ceux d’autres maladies, et que l’hypothyroïdie en particulier se développe insidieusement sur une période assez longue. Cela dit, négliger de considérer la thyroïde comme cause du problème peut avoir des conséquences graves. Il est donc très important pour le médecin d’explorer à fond cette possibilité et de faire passer les tests de fonction thyroïdienne qui, de nos jours, sont relativement simples. Lorsqu’on entreprend le traitement thyroïdien approprié, la réaction générale est assez favorable. La vitalité revient et le processus mental redevient efficace. S’il reste un fond de difficultés émotives, il peut ne pas être associé à la glande thyroïde mais à d’autres aspects de la vie.

La question suivante se pose : comme la thérapie à l’hormone thyroïdienne est tellement bénéfique aux patients qui souffrent de dépression associée au mauvais fonctionnement de la thyroïde, profiterait-elle également à ceux dont la fonction thyroïdienne est normale ? La réponse n’est pas encore claire, bien que l’hormonothérapie ait aidé certains malades pour qui les antidépresseurs restaient sans effet.

Le rapport entre le stress et la thyroïde n’est pas évident non plus. Le nombre de personnes qui mentionnent avoir vécu des situations particulièrement stressantes avant l’installation de l’hyperthyroïdie semble favoriser la théorie que le stress en est une cause déterminante, tandis que d’autres peuvent traverser des bouleversements semblables sans contracter de maladie thyroïdienne. Certains individus y sont peut-être prédisposés. D’un autre côté, on pourrait argumenter que la maladie elle-même, avant la manifestation des symptômes, contribue à la situation de stress.

Le médecin doit prendre soin de vérifier l’état de la thyroïde dans les cas où des médicaments psychiatriques doivent être pris pendant une longue période. Le lithium, couramment utilisé pour stabiliser l’humeur et traiter les personnes maniaco- dépressives, peut causer l’hypothyroïdie, particulièrement chez les femmes d’âge moyen qui sont le plus susceptibles d’en être atteintes. Par contre, l’hypothyroïdie peut provoquer la dépression, le trouble même que le traitement devrait soulager.

Les affections thyroïdiennes et les troubles mentaux

Sommaire d’un exposé présenté au Chapitre de la région métropolitaine de Toronto, le 11 juin 1984

Le lien entre la psychiatrie et les affections thyroïdiennes a retenu beaucoup d’attention pour les raisons suivantes :

1. Les affections thyroïdiennes, comme l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie, peuvent s’accompagner d’anomalies mentales importantes.
2. Les hormones thyroïdiennes ont été utilisées pour traiter certains états psychiatriques.
3. Certaines drogues utilisées pour le traitement de certaines maladies mentales peuvent avoir un effet sur la glande thyroïde.

Anomalies mentales et affections thyroïdiennes

Hyperthyroïdie
L’attention des chercheurs s’est portée sur le rôle éventuel du stress ou des troubles émotionnels dans le déclenchement de l’hyperthyroïdie. Bien que cette maladie puisse survenir à la suite de quelque bouleversement émotionnel ou événement stressant, il est possible que le bouleversement émotionnel qui a précédé la maladie ait été le sous-produit du stade initial de l’hyperactivité thyroïdienne, avant même que le tableau clinique de la maladie ne devienne manifeste. De même, la constitution psychologique des personnes qui contractent la maladie a fait l’objet d’études poussées sans toutefois aboutir à un consensus acceptable sur les descriptions qui ont été données des diverses personnalités. Je crois personnellement que le rôle des facteurs de personnalité a été exagéré.

Les troubles psychologiques sont très courants en présence d’hyperactivité thyroïdienne et peuvent faire partie du tableau clinique initial.

  • anxiété et tension marquées
  • labilité émotionnelle
  • irritabilité et impatience
  • distractivité
  • sensibilité excessive au bruit
  • dépression fluctuante

Des troubles mentaux plus graves qui accompagnaient habituellement les «crises thyroïdiennes», telles que les accès graves de psychose, de délire et de fièvre sont rares de nos jours grâce à une meilleure détection de la maladie et à la disponibilité d’un traitement efficace.

D’une manière générale, les perturbations psychologiques se règlent de façon satisfaisante avec le traitement adéquat de l’hyperactivité thyroïdienne.

Hypothyroïdie
Comme l’hypothyroïdie s’installe ordinairement lentement et qu’au début les plaintes sont souvent mineures, vagues et de nature diffuse, il n’est pas étonnant qu’on manque initialement le diagnostic. Toutefois, les changements physiques qui tardivement accompagnent la maladie sont caractéristiques : peau sèche et rugueuse ; teint pâle et bouffi ; chute des cheveux ; changement de la voix ; diminution de l’appétit, etc.

Les symptômes psychologiques sont communs et très manifestes au moment où le patient consulte un médecin. Il n’est pas rare que les perturbations psychologiques constituent les principaux symptômes dont se plaignent les patients et qui les amènent d’abord chez le psychiatre :

  • ralentissement marqué de tout le processus mental
  • perte progressive d’initiative et d’intérêt
  • défaillances de la mémoire
  • idées souvent confuses
  • détérioration intellectuelle générale
  • dépression à tendance paranoïaque
  • psychose organique

Dans les cas graves non traités, le résultat ultime peut être l’aliénation mentale. C’est dire toute l’importance du dépistage précoce et du traitement.

Usage d’hormones thyroïdiennes dans le traitement de la maladie mentale
On prétend que dans le traitement d’une dépression non associée à un dérèglement thyroïdien, l’addition de thyroxine peut hâter et accroŒtre les effets des médicaments antidépresseurs. On a également trouvé que la thyroxine était bénéfique dans le traitement d’une affection rare appelée «catatonie périodique», où le patient alterne périodiquement entre les états d’apathie et d’immobilité et d’agitation marquée.

Effets des médicaments psychiatriques sur la glande thyroïde
On a découvert que le lithium, médicament d’élément naturel utilisé avec succès dans le traitement de la maniaco-dépression et pour en prévenir la rechute, produisait un état d’hypothyroïdie chez certains patients. Cet effet secondaire n’est toutefois pas universel et ne survient qu’après un usage prolongé. Les femmes d’âge moyen semblent être plus vulnérables à cette complication. Ce fait souligne l’importance de surveiller régulièrement la fonction thyroïdienne durant un traitement au lithium sur une longue période.

En conclusion, une perturbation de la fonction thyroïdienne peut s’accompagner de troubles psychologiques qui peuvent s’apparenter aux syndromes psychiatriques. Par conséquent, on ne saurait trop insister sur l’importance du dépistage et du traitement précoces de l’affection thyroïdienne, de même que sur l’attention à apporter à l’état émotionnel et psychologique du patient.


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