Matériel De Ressource
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- Les maladies thyroïdiennes… Les faits!
- Survol de la fonction thyroïdienne
- La confirmation du diagnostic clinique
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- L’hyperthyroïdie (thyrotoxicose)
- L’ophtalmopathie basedowienne
- Les maladies thyroïdiennes, la grossesse et la fertilité
- Les maladies thyroïdiennes chez l’enfant
- Le traitement chirurgical de la maladie thyroïdienne
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Affections thyroïdiennes tard dans la vie
par Leslie M.C. Goldenberg, M.D., F.R.C.P. (C)
Professeur adjoint, Faculté de médecine, Université de Toronto
Interniste en gériatrie, Centre de soins gériatriques Baycrest et Hôpital Mount Sinai, Toronto
Sommaire d’un exposé présenté au Chapitre métropolitain de Toronto de la Fondation canadienne de la Thyroïde, au Centre médical Sunnybrook.
Point de vue
Je voudrais d’abord donner un aperçu de deux ou trois des problèmes thyroïdiens les plus fréquents chez les personnes âgées : l’hypothyroïdie, l’hyperthyroïdie et les nodules thyroïdiens. Les médecins ont parfois tendance à sous-estimer le niveau d’enthousiasme et de compréhension d’un auditoire de profanes, mais je me propose de vous présenter l’information sensiblement de la même manière que je le ferais pour un auditoire de médecins ou d’étudiants en médecine, mais sans utiliser de terminologie complexe. Je mettrai certainement l’accent sur les principes de base des affections thyroïdiennes chez les personnes âgées þ principes qui, en réalité, ne sont pas nécessairement bien compris de tous les médecins-praticiens. Je veux également démontrer certains points cliniques réels concernant le diagnostic et le traitement des maladies thyroïdiennes chez les personnes âgées. J’espère que cette approche aidera ceux parmi vous qui désirent acquérir une meilleure compréhension de leur propre état.
Mon point de vue est celui d’un expert en médecine interne des personnes âgées et non d’un spécialiste de la thyroïde. Les patients âgés s’inquiètent entre autres du fait que, malheureusement, leurs problèmes ne cadrent nettement dans aucun domaine appartenant à un groupe particulier de spécialistes. Les endocrinologues qui s’intéressent à la thyroïde peuvent ne pas avoir une grande expérience auprès des personnes très âgées. De même, beaucoup de gériatres n’ont pas la même profonde compréhension de la physiologie et du traitement des maladies thyroïdiennes que les spécialistes de la thyroïde. Pour traiter les affections de la thyroïde chez les personnes âgées, l’idéal est de réunir ces deux domaines de savoir-faire.
Les maladies thyroïdiennes sont-elles courantes chez les personnes âgées ?
La plupart des statistiques sur le sujet portent en général sur les personnes de plus de 65 ans. Toutefois, comme la majorité des gériatres traitent normalement des patients de soixante-dix et quatre-vingts ans, il faudrait sans doute étendre ces statistiques afin d’obtenir une image plus globale qui inclurait ce groupe plus âgé. Plusieurs études portant sur des personnes de plus de 65 ans montrent que les maladies thyroïdiennes sont en fait très fréquentes chez les personnes âgées et que souvent elles ne sont pas diagnostiquées. Une étude indique que jusqu’à 4 % des personnes âgées souffriraient d’hypothyroïdie non détectée et qu’environ 2 % seraient à leur insu atteintes d’hyperthyroïdie. En d’autres termes, une fonction insuffisante de la thyroïde est environ deux fois plus courante qu’une fonction excessive. Un gériatre d’Angleterre a dépisté quelque 2000 patients âgés dans des hôpitaux et a découvert que 5 % étaient atteintes d’une maladie thyroïdienne et que, chez environ la moitié d’entre eux, elle n’avait pas été diagnostiquée auparavant. Un autre chercheur, qui avait examiné 50 patients dont l’hyperthyroïdie était connue, a constaté que les deux tiers avaient plus de 60 ans. Dans l’ensemble, la recherche vient appuyer l’idée que les affections thyroïdiennes sont très fréquentes chez les personnes âgées et qu’elles échappent souvent au diagnostic.
Lacune dans les manuels de médecine
Les problèmes thyroïdiens sont plus communs chez les femmes âgées que chez les hommes. Cependant, l’examen du cou chez la femme est plus compliqué à cause de certains changements posturaux et anatomiques typiques souvent observés chez les femmes âgées. Ce fait est rarement décrit ou illustré dans les manuels de médecine. Toutefois, en examinant les radiographies de femmes âgées, on peut voir des différences dans la forme de la tête et du cou. La tête penche vers l’avant, tirant la partie inférieure du cou vers l’avant et vers le bas; toutes les structures du cou, y compris la glande thyroïde, descendent ou s’enfoncent graduellement dans le thorax, souvent derrière le corps du sternum. Cela signifie qu’il est souvent difficile, sinon impossible, aux médecins d’examiner physiquement la thyroïde de la plupart des femmes âgées. En fait, l’une des choses sur lesquelles on peut habituellement compter (même si on le voit rarement dans les manuels) est que si, durant un examen, on peut palper ou sentir la glande thyroïde d’une femme âgée, c’est que la glande est probablement anormale. En effet, si la majeure partie de l’hypertrophie est dans le thorax, ce qu’on sent n’est que la partie visible de l’iceberg !
Parfois, ces hypertrophies sont des nodules thyroïdiens calcifiés qui peuvent causer beaucoup d’inconfort en comprimant d’autres structures vitales comme les voies respiratoires ou encore une distension ou un engorgement des veines de la partie supérieure du thorax. Ces nodules, qui peuvent avoir l’apparence de masses dures comme la pierre dans la poitrine, peuvent être identifiés à tort comme des métastases du cancer du sein ou de l’estomac qui se seraient disséminées aux ganglions du cou. Ces gros nodules calcifiés sont essentiellement observés chez les personnes âgées, mais il y a très peu de documentation sur le sujet. On en parle rarement dans les manuels et l’on sait très peu de choses sur ces larges nodules calcifiés. On sait cependant que certaines tumeurs malignes de la glande thyroïde ont tendance à se calcifier. On sait également que le goitre nodulaire, courant chez les femmes âgées, a tendance à produire des nodules calcifiés. Bien que ces nodules calcifiés puissent s’avérer bénins, il est généralement conseillé de procéder à une biopsie afin d’en déterminer la cause exacte.
Différences de l’hypothyroïdie et de l’hyperthyroïdie chez les patients âgés
Les causes de dérèglement de la thyroïde chez les personnes âgées diffèrent habituellement de celles de patients plus jeunes. La cause la plus fréquente d’hyperthyroïdie (activité excessive de la thyroïde) chez les patients plus jeunes est la maladie de Graves. Elle se caractérise par une glande thyroïde grossie mais tendre, qui cause des symptômes tels que : perte de poids, dépression, agitation, tremblement, faiblesse musculaire, moiteur chaude de la paume des mains, palpitations et rythme cardiaque excessif. Chez les patients âgés, toutefois, la cause la plus fréquente de l’hyperthyroïdie est la maladie de Plummer. Elle se caractérise par une thyroïde tuméfiée, bosselée et grumeleuse, avec des nodules hyperactifs. Toutefois, les symptômes d’hyperthyroïdie ne sont pas aussi prononcés chez les patients âgés que chez les personnes plus jeunes.
La cause la plus courante d’hypothyroïdie (activité insuffisante de la thyroïde) chez les personnes âgées est la thyroïdite chronique de Hashimoto. Elle provoque un grossissement de la glande thyroïde, causé par le fait que le système de défense s’attaque à certains organes au lieu de ne s’attaquer qu’à des envahisseurs étrangers comme les bactéries ou les virus.
La difficulté à diagnostiquer la maladie chez les patients âgés est que la présentation des maladies thyroïdiennes apparaît au clinicien très différente de ce qu’elle devrait être selon les manuels. En effet, les manuels décrivent le tableau clinique typique de patients plus jeunes où l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie paraissent comme deux entités très différentes. Or, chez les patients âgés, ces deux affections se présentent exactement de la même manière. Dans le cas de l’hyperthyroïdie, par exemple, nous avons découvert que les trois quarts des patients âgés présentent des symptômes atypiques : un tiers d’entre eux sont cliniquement euthyroïdiens (sans symptôme externe de dérèglement thyroïdien), tandis que 15 % présentent un syndrome appelé thyréotoxicose apathique, forme d’hyperthyroïdie qui en réalité simule l’hypothyroïdie. Un bon diagnostic est donc à la fois extrêmement difficile à établir et crucial.
Cas observé
Je vous parlerai maintenant du cas d’une patiente qu’on m’a demandé de voir, il y a environ cinq ans, dans une résidence pour personnes âgées. Elle avait environ 94 ans et, depuis à peu près huit mois, souffrait d’une fibrillation cardiaque qui ne répondait pas aux médicaments habituels pour ramener les battements à un rythme plus régulier et mieux contrôlé. Au cours des mois suivants, elle était devenue très faible et confinée au lit. Elle était graduellement devenue confuse et, lorsqu’on m’a demandé de la voir, elle avait perdu environ soixante livres, était incontinente depuis de nombreuses semaines et commençait à avoir des plaies de lit. Elle était atteinte de démence grave et ne pouvait tenir une conversation.
Cela dit, je pourrais vous emmener dans presque n’importe quel foyer pour personnes âgées de l’agglomération de Toronto et vous montrer de nombreux patients présentant des symptômes similaires, mais qui n’ont aucune affection thyroïdienne. En réalité, cette image du stade ultime de nombreuses maladies neurologiques susceptibles de survenir chez les personnes âgées n’est pas rare. Quand il s’agit d’une personne de 94 ans, il est facile d’y voir tout simplement le progrès d’une maladie non diagnostiquée þ disons, la maladie d’Alzheimer. Toutefois, le médecin traitant de cette dame était très préoccupé de son état et suffisamment intéressé pour demander conseil sur ce qui pouvait causer cette détérioration, plutôt que de la juger incurable comme c’est habituellement le cas. Essentiellement, nous avons trouvé que cette dame souffrait de toxicité extrême causée par l’hyperthyroïdie, bien qu’elle n’avait aucune des caractéristiques typiques de la thyréotoxicose.
Je vous raconte cette histoire pour vous rappeler un point important : chez les personnes âgées, l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie se manifestent ordinairement d’une manière différente de celle qu’elles sont supposées avoir dans les livres et de celle qu’elles ont chez les personnes jeunes ou d’âge moyen. Nous avons traité cette dame avec un médicament qui supprime la fonction thyroïdienne. Elle vit toujours, elle fêté ses 98 ans, et s’est rétablie au point où elle peut de nouveau marcher et tenir une conversation convenable. Elle a repris allègrement ses activités habituelles, peut se vêtir elle-même et participe de nouveau à la vie collective de la résidence.
Signes particuliers : symptômes déroutants
L’hypothyroïdie présente chez les personnes âgées des signes qui n’apparaissent presque jamais chez les patients plus jeunes. Ce sont : 1) anomalies du cervelet, derrière le cerveau, qui entraînent une démarche ataxique ou titubante; 2) maux et douleurs ailleurs que dans les joints – rhumatisme qui n’est pas de l’arthrite; 3) syndrome du canal carpien – une compression d’un important nerf du poignet qui causes une sensation de picotements dans la main. Ce dernier peut être causé par l’hypothyroïdie et ne pas nécessiter de chirurgie.
Néanmoins, l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie se présentent souvent de façon très similaire chez les personnes âgées. Dans les deux cas, on observe les symptômes suivants : absence de vitalité, confusion, dépression, chutes, perturbation de la démarche, incontinence due à l’immobilité, insuffisance cardiaque et changements intestinaux (soit la constipation ou la diarrhée). Non seulement ces signes rendent-ils difficile de distinguer l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie chez les personnes âgées, il sont de surcroît des symptômes communs à une foule d’autres maladies du troisième âge.
Ce qu’il y a de mieux sur le marché : TSH
Par conséquent, pour éviter toute confusion et erreur de diagnostic, je soumets simplement tous mes patients de plus de 50 ans à la meilleure épreuve sanguine qui existe aujourd’hui : la mesure de l’hormone thyréotrope (TSH). þ mon avis, ce test devrait être effectué tous les deux ans chez les sujets de plus de 50 ans et une fois l’an chez les très âgés. Depuis un an ou deux, on a développé de nouvelles techniques d’analyse plus efficaces qui permettent de déceler les dérèglements thyroïdiens grâce à une meilleure mesure de l’hormone thyréotrope ou TSH. La TSH vient de la base du cerveau et stimule la production d’hormone thyroïdienne. Lorsque les niveaux d’hormones thyroïdiennes de l’organisme sont bas, le cerveau produit plus de TSH pour stimuler la production d’hormone thyroïdienne.
Lorsque les niveaux d’hormones du système sont élevés, moins de TSH est produit afin de signaler à la thyroïde qu’elle doit produire moins d’hormone. Le niveau de TSH est l’indicateur le plus précis de la fonction thyroïdienne et constitue un meilleur test que celui qui constitue à mesurer l’hormone thyroïdienne directement dans le courant sanguin.
La mesure de la TSH peut par conséquent simplifier la tâche des médecins et rendre les diagnostics plus précis et opportuns. C’est une excellente chose pour les patients âgés, car le test permet de déterminer avec précision le moment où la thyroïde commence tout juste à défaillir et le début de l’hypothyroïdie. Un traitement précoce de l’hypothyroïdie peut atténuer le ralentissement du rythme cardiaque qui accompagne cette maladie. De plus, l’élévation de la TSH qui accompagne l’hypothyroïdie peut être corrigée plus tôt, ce qui prévient le risque de stimulation excessive de la thyroïde avec apparition de nodules thyroïdiens, fréquents chez les personnes âgées.
Cette mesure améliorée de la TSH, combinée à l’introduction récente de différents dosages de comprimés de thyroxine, permet au médecin de remplacer l’hormone thyroïdienne plus précisément en augmentant la dose adéquatement. On doit souvent traiter les patients âgés avec plus de précaution à cause du danger que l’hormone thyroïdienne ne stimule trop un coeur ayant déjà une maladie sous-jacente et que, d’autre part, ces patients ont besoin de moins d’hormone de remplacement que les sujets plus jeunes, leur métabolisme étant différent. Étant donné que les tests TSH plus sensibles et les comprimés thyroïdiens en nouveaux dosages n’ont été introduits que récemment, certains médecins ne sont peut-être pas au courant de ces changements. En tant que patients et consommateurs de services de soins médicaux, vous avez le droit de demander ces améliorations et de l’information. Ainsi, vous pouvez aider à répandre la nouvelle auprès de médecins qui ne seraient pas encore au courant.
En résumé
Pour résumer mes remarques, diagnostiquer les maladies thyroïdiennes chez les personnes âgées n’est pas toujours facile. De nombreux facteurs inhabituels et contradictoires, peu souvent décrits dans les manuels, entrent en jeu. Les patients âgés, en particulier, doivent être plus conscients des effets de l’interaction de divers médicaments et colorants. J’espère que les principes et points cliniques que j’ai soulignés vous auront aidés à mieux comprendre et à composer avec vos maladies particulières.