Les maladies thyroïdiennes chez l’enfant
Introduction
La majorité des maladies thyroïdiennes chez l’adulte peuvent également toucher l’enfant. Bien qu’il existe certaines différences quant à leur prise en charge, les principes qui les sous-tendent restent les mêmes. Le présent dépliant doit être utilisé en complément des autres Guides santé sur les maladies thyroïdiennes qui distinguent les causes et les traitements des affections semblables touchant l’adulte.
Il est très important d’expliquer à l’enfant, selon son degré de compréhension, où se trouve la glande thyroïde et quel est son rôle. On peut décrire la forme de la thyroïde en la comparant à un papillon qui s’est posé au milieu du devant du cou, par-dessus la trachée et juste au-dessus du niveau des clavicules. On peut en voir le contour, particulièrement si la glande est plus grosse que la normale, en demandant à l’enfant de lever le menton et de pencher légèrement sa tête vers l’arrière. Le rôle ou le travail de la thyroïde peut être comparé à celui d’un système de chauffage. Si la thyroïde est hyperactive (hyperthyroïdie), on peut dire que le thermostat est réglé trop haut ; si la thyroïde ne travaille pas assez (hypothyroïdie), on peut dire que le thermostat est réglé trop bas ; enfin, si la thyroïde produit la quantité adéquate d’hormones thyroïdiennes, peu importe sa taille, le thermostat est réglé à la bonne température.
La thyroïde doit être distinguée des nœuds lymphatiques (ganglions) de forme arrondie que l’on peut facilement palper dans le cou de n’importe quel enfant. Le rôle des nœuds lymphatiques est de protéger l’organisme contre les infections. La thyroïde sert à produire les hormones thyroïdiennes, qui sont des substances chimiques naturelles dont toutes les cellules du corps ont besoin pour bien faire leur travail, à la bonne vitesse. L’hypothalamus et l’hypophyse (pour plus d’information, voir le Guide santé no 1) sont de petits prolongements vers le bas du cerveau. Ils ont à peu près la taille d’une phalange et sont situés tout juste derrière l’arête du nez et derrière les yeux. L’hypothalamus fabrique une hormone appelée TRH (thyréolibérine) qui circule jusqu’à certaines cellules de l’hypophyse et leur ordonne de produire une autre hormone appelée TSH (thyréostimuline). À son tour, la TSH ordonne à la glande thyroïde de fabriquer une hormone thyroïdienne (la thyroxine), également appelée T4. Si la thyroïde fabrique trop de T4, l’hypothalamus et l’hypophyse diminuent la production de TRH et de TSH. Si la thyroïde produit trop peu de T4, le taux de TSH augmente pour que la thyroïde grossisse afin de produire davantage d’hormone thyroïdienne (T4).
Quels examens sont généralement réalisés pour poser un diagnostic chez l’enfant ?
Une prise de sang effectuée à partir d’une veine de la main ou du bras permet d’obtenir un échantillon de sang dans lequel on dosera la TSH et parfois la T4 pour vérifier si la thyroïde fonctionne normalement. Chez les enfants qui prennent des médicaments, ce test permet de vérifier si la dose administrée est adéquate.
Chez les enfants atteints d’hypothyroïdie, une radiographie de la main et du poignet (du genou chez le nourrisson) pourrait être prise afin d’examiner s’il y a un retard de la croissance osseuse et à quel degré.
Il n’est généralement pas nécessaire de faire des radiographies de la thyroïde, à moins que l’hypertrophie soit de forme irrégulière et qu’on soupçonne la présence d’une masse ou d’un nodule. En cas de nodule, l’échographie permettra d’établir s’il est rempli de liquide ou s’il est solide. Une tomodensitométrie de la thyroïde, qui est une forme de radiographie, peut être utilisée pour vérifier si la glande fonctionne normalement. Pour ce faire, on administrer une substance radioactive faible et sécuritaire et on observer si la thyroïde l’absorbe de façon uniforme. Si on constate une région où la radioactivité n’est pas captée, on la décrit comme étant « froide » ; il pourrait s’agir d’une tumeur. Dans un tel cas, une biopsie de la thyroïde au moyen d’une aiguille fine pourrait être réalisée. L’aiguille est insérée dans la glande pour y aspirer une petite quantité de cellules qui seront examinées au microscope. Les enfants plus âgés tolèrent bien cette intervention sans que le recours à la sédation soit nécessaire. Si l’enfant a peur, le réconfort d’un parent qui lui tient la main et l’application de crème anesthésique peut aider.
L’hypothyroïdie congénitale
L’hypothyroïdie congénitale, qui touche 1 nouveau-né sur 2000 à 4000 naissances, était auparavant l’une des principales causes de déficience intellectuelle. Le développement du cerveau de même que la croissance normale de l’enfant sont tributaires des taux normaux d’hormones thyroïdiennes.
Au Canada, le dépistage de l’hypothyroïdie congénitale est réalisé de façon systématique. Une analyse sanguine visant à évaluer la fonction thyroïdienne (dosage de la TSH ou de la T4) est effectuée à partir d’un échantillon de sang prélevé au talon du nourrisson de 2 à 5 jours après sa naissance. En présence d’un taux élevé de TSH (ou d’un taux faible de T4), les parents sont mis au courant, puis les résultats sont confirmés lors d’une autre analyse réalisée sur un échantillon de sang veineux.
Au tout début du développement du fœtus, la thyroïde se forme à partir de quelques cellules situées derrière la langue. Au cours des premières semaines suivant la conception, le nombre de ces cellules augmente, et elles se déplacent à l’endroit où la thyroïde se trouve normalement, sur le devant du cou. La production des hormones thyroïdiennes dont le fœtus en pleine croissance a besoin repose principalement sur le bon fonctionnement de sa propre glande thyroïde, mais les hormones de la mère peuvent aussi traverser le placenta. Chez les enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale, la thyroïde ne s’est pas développée ou est beaucoup plus petite qu’à la normale, pour des raisons inconnues. La thyroïde sous-développée peut être située n’importe où entre le derrière de la langue et l’avant du cou. Environ 10 % des nourrissons atteints présenteront une incapacité héréditaire à produire les hormones thyroïdiennes, même s’ils possèdent une thyroïde (goitre congénital). Dans de rares cas, la thyroïde est temporairement incapable de produire les hormones thyroïdiennes. Chez la mère atteinte d’une maladie thyroïdienne, des anticorps présents dans le sang peuvent traverser la barrière placentaire et empêcher temporairement la thyroïde du bébé de fonctionner. Sauf pour ces nourrissons, l’hypothyroïdie est permanente.
Maintenant qu’un test de dépistage est accessible de façon universelle, l’hypothyroïdie congénitale peut être décelée et traitée rapidement. Un traitement quotidien par des comprimés d’hormones thyroïdiennes administré à vie préviendra la déficience intellectuelle et mènera à une croissance normale. La dose du médicament est surveillée et ajustée durant toute l’enfance à partir d’un dosage des taux de TSH dans le sang.
Le goitre congénital
Le goitre (hypertrophie de la glande thyroïde) chez l’enfant à plusieurs causes héréditaires rares. Bien qu’il soit possible que les enfants présentent une hypothyroïdie, la fonction thyroïdienne est généralement normale, et la seule anomalie est l’augmentation du volume de la thyroïde. Le traitement vise à administrer des hormones thyroïdiennes qui feront diminuer la taille de la glande en faisant cesser la production de TSH par l’hypophyse. L’une des affections caractérisées par un goitre congénital est le syndrome de Pendred, qui est associé à une surdité et peut également toucher plusieurs membres d’une même famille.
La maladie de Hashimoto (thyroïdite d’origine auto-immune)
Pour de plus amples renseignements, consulter les Guides santé no 4 et no 6
La principale cause d’hypertrophie de la thyroïde chez l’enfant et l’adolescent est la maladie de Hashimoto . L’affection est plus fréquente chez la fille que chez le garçon et chez les enfants qui présentent des familiaux de la maladie ou d’autres troubles thyroïdiens. Mise à part l’augmentation du volume de la thyroïde, aucune autre anomalie ne pourrait être décelée jusqu’à ce que l’hypothyroïdie apparaisse. La prise en charge de la maladie de Hashimoto est exactement la même dans tous les groupes d’âge. Au fil du temps, même de plusieurs années, la glande rapetisse. La sécrétion d’hormones thyroïdiennes peut être normale au moment du diagnostic de la maladie, mais on recommande que l’enfant soit suivi dans l’éventualité où une hypothyroïdie apparaîtrait. Une fois amoureux, le traitement par les hormones thyroïdiennes doit être pris pendant toute la vie. Certains enfants plus susceptibles de présenter une maladie de Hashimoto doivent faire l’objet d’une surveillance régulière, notamment les enfants atteints de diabète de type 1, du syndrome de Down ou du syndrome de Turner.
La maladie de Basedow-Graves (hyperthyroïdie)
Pour de plus amples renseignements, consulter le Guide santé no 7
La maladie de Basedow-Graves, la principale cause d’hyperthyroïdie chez l’enfant, touche davantage les jeunes qui approchent l’adolescence. Des complications touchant les yeux (ophtalmopathie) peuvent apparaître, mais elles ne sont pas aussi graves que celles liées chez l’adulte. Les enfants peuvent présenter les mêmes symptômes que les adultes, mais ils ne s’en plaignent généralement pas. La plus grande difficulté vécue avant la détermination du diagnostic est probablement l’extrême agitation et le manque d’attention, qui entraîne des problèmes en milieu scolaire et, souvent, l’exaspération des parents. Le traitement est généralement entrepris à l’aide d’antithyroïdiens. Chez certains jeunes patients, la meilleure option de traitement est l’ablation de la glande thyroïde, une fois l’hyperthyroïdie maîtrisée. Chez d’autres, le traitement antithyroïdien à long terme est le plus efficace. On n’administre que rarement un traitement par l’iode radioactif durant la petite enfance. Celui-ci peut toutefois être très efficace vers la fin de l’adolescence, particulièrement chez les patients dont l’hyperthyroïdie est difficile à maîtriser.
Les autres troubles thyroïdiens
Le nodule thyroïdien isolé, le goitre multinodulaire, la thyroïdite subaiguë et d’autres troubles thyroïdiens peuvent survenir, mais ils sont peu fréquents.
La maladie thyroïdienne et la croissance
L’hypothyroïdie est dépistée durant la période néonatale, et le traitement est rapidement entrepris. Si elle n’est pas traitée, elle est associée à des anomalies de la croissance et du développement, qui ont été décrites précédemment dans la rubrique sur l’hypothyroïdie congénitale.
Les enfants atteints d’hypothyroïdie peuvent présenter les mêmes symptômes que les adultes, mais le signe le plus manifeste est la petite taille de l’enfant malgré un poids normal ou qui augmente. Une fois le traitement par les hormones thyroïdiennes amorcé, on s’attend à ce que le retard de croissance se comble. La puberté peut être retardée et, occasionnellement, devancée.
L’intelligence n’est pas affectée si l’hypothyroïdie apparaît après l’âge de deux ans.
Le traitement
Chez les enfants qui reçoivent un traitement contre l’hypothyroïdie ou l’hyperthyroïdie, il est essentiel que les comprimés soient pris régulièrement. Il importe donc que le traitement soit administré sous la supervision des parents. L’emploi d’un pilulier peut s’avérer d’une grande utilité pour surveiller la prise des comprimés et apprendre à l’enfant comment prendre son médicament. Les enfants ne comprennent pas toujours les raisons qui sous-tendent l’importance de la fidélité au traitement, et le fait de les menacer en évoquant la survenue des conséquences de la maladie ne semble pas avoir l’effet escompté.
Chez les enfants atteints d’hypothyroïdie, particulièrement si la maladie est présente depuis longtemps, une normalisation de la fonction thyroïdienne peut être associée à un changement marqué du comportement, car le degré d’activité des enfants peut augmenter. Des difficultés scolaires peuvent alors apparaître. Les enseignants doivent être informés des troubles de santé de l’enfant et de toute recommandation médicale émise. Dans le cas d’enfants atteints de la maladie de Basedow-Graves, les difficultés surviennent principalement avant l’amorce du traitement. Cependant, les symptômes d’hyperthyroïdie réapparaîtront si les médicaments ne sont pas pris régulièrement.
Mise à jour en octobre 2009 par Hortensia Mircescu, M.D., FRCPC, Division d’endocrinologie, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, professeure adjointe de clinique, Faculté de médecine, Université de Montréal à partir d’une version précédente rédigée par Sonia R. Salisbury, M.D., FRCP(C), professeure agrégée à l’Université Dalhousie, chef du Service d’endocrinologie au Centre de soins de santé Izaak Walton Killam, Halifax, Nouvelle-Écosse.